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1917 : l’abbaye de Vauclair sous le fracas des obus

Article publié dans Axone n°02 – février 2019
Entièrement détruite en 1917 mais toujours majestueuse, l’abbaye de Vauclair témoigne des ravages du conflit sur le territoire axonais.

Sous le feu de l’offensive Nivelle : 16  avril 1917

Le 13 décembre 1916, Robert Nivelle remplace le général Joffre à la tête de l’armée française, alors que ce dernier planifiait une offensive contre les Allemands. Après deux années de combats dans les tranchées, Joffre était jugé trop statique. À l’inverse, Nivelle, fraîchement promu général, bénéficiait de la confiance de ses supérieurs pour avoir notamment repris le fort de Douaumont en octobre 1916. Plein d’assurance en prenant ses nouvelles fonctions, il promet une victoire rapide et veut rompre la guerre de position dans laquelle l’armée s’est enlisée.

S’inspirant du plan laissé par Joffre, Nivelle planifie à son tour une nouvelle offensive. Elle a lieu le 16 avril 1917 à 6 h du matin et rassemble plus d’un million de soldats ainsi que, pour la première fois, des chars d’assaut. La ligne de front s’étend sur 40 km entre Soissons et Reims – soit le Chemin des Dames, tout près de l’abbaye de Vauclair.

 

Robert Nivelle

“ Nous romprons le front allemand quand nous voudrons. ” – Robert Georges Nivelle

Une pluie de 5 millions d’obus

Les bâtiments de l’abbaye se trouvent sous les tirs directs de l’artillerie, notamment entre le 6 et le 16 avril. De l’ancienne porterie ne subsistent plus que deux pierres, marquant l’entrée du site. Le bâtiment des convers et le cellier sont entièrement détruits, tout comme la salle du chapitre et la salle des moines, encore intacts en 1914. Les nombreux impacts sur les 5 côtés restants du colombier témoignent toujours aujourd’hui de la violence des combats. Dans un rapport de 1919, le député Henri Galli estime à 533 le nombre d’obus tirés par minute entre le 12 et le 15 avril.

Vue intérieure de l’ancienne salle de l’abbaye de Vauclair. © Archives départementales de l’Aisne

Vue intérieure de l’ancienne salle de l’abbaye de Vauclair © Archives départementales de l’Aisne

 

Malgré les moyens mobilisés, cette offensive est un échec sanglant. Pourtant, Nivelle refuse d’abandonner et décide de poursuivre les combats au-delà de 48 h, rompant sa promesse. 30 000 soldats perdront la vie et 100 000 autres seront grièvement blessés en seulement 10 jours de combats. La Bataille du Chemin des Dames ne prendra fin que le 24 octobre 1917. Son bilan est particulièrement sombre : 350 000 tués ou blessés dans les deux camps pour une avancée des troupes alliées peu significative, sans compter la cristallisation de crises au sein des troupes, qui déboucheront sur des mutineries, sévèrement réprimées.

Sur la ligne de front

Un emplacement  stratégique

 

Entre septembre 1914 et novembre 1917, l’abbaye se trouve sur la seconde ligne allemande – l’une des raisons pour lesquelles elle fût bombardée à de nombreuses reprises par les Français. Les Allemands occupaient alors les plateaux au nord de la vallée de l’Aisne. Installés sur les crêtes, ils surplombaient les troupes françaises d’une centaine de mètres. Position cruciale vers l’accès aux plateaux, l’abbaye et son domaine sont alors très convoités par chacun des deux camps.

L’une des anciennes dépendances de l’abbaye a d’ailleurs fait l’objet de nombreux combats. Située à l’est, la ferme d’Hurtebise se trouve sur la plus faible largeur du plateau du Chemin des Dames et domine les deux vallées environnantes. Plus important encore, elle contrôle l’accès vers la partie orientale du plateau. Un emplacement stratégique idéal qui fera passer la ferme d’un camp à l’autre durant toute la guerre : reprise par les alliés jusqu’en mai 1918, elle sera à nouveau investie par les Allemands jusqu’en octobre 1918.

À seulement 6 km de l’abbaye, le village de Craonne paiera un lourd tribut à la guerre. Dès septembre 1914, il tombe aux mains des Allemands et fut entièrement rasé durant l’offensive Nivelle. Les habitants durent rebâtir leurs maisons plus loin dans la vallée après la guerre. L’ancien village, aujourd’hui un arboretum, est un lieu de mémoire singulier et son nom reste attaché à l’offensive Nivelle et à La Chanson de Craonne, liée aux mutineries de 1917.

Zone rouge

En 1918, l’abbaye de Vauclair n’est plus qu’un champ de ruines. Elle est classée en Zone rouge, parmi les 120 000 hectares de champs de bataille qu’aura comptée la Première Guerre mondiale. Une appellation désignant les territoires où, à cause des milliers de cadavres et de munitions non explosées, un traitement particulier doit être apporté : désobusage, nettoyage des sols et traitement des eaux contaminées par les cadavres, transfert des restes humains vers des cimetières ou des nécropoles… Des pierres de l’abbaye sont récupérées pour réparer les routes quand les ruines encore debout souffrent des intempéries. Afin d’enrayer la dégradation des bâtiments, des travaux de consolidation commencent en 1919 et se poursuivent jusqu’en 1931 avant de reprendre en 1936. Les restes de l’église et de la grange ne seront déblayés qu’en 1943.

Ruines de l'Abbaye de Vauclair

L’abbaye de Vauclair restera ensuite à l’abandon jusqu’en 1965, date à laquelle débute un chantier de fouilles archéologiques sous la direction du père René Courtois. Un travail de longue haleine pour sortir Vauclair de l’indifférence générale et lui redonner un peu de son éclat d’antan. De quoi lui offrir d’écrire une nouvelle page de son histoire…

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Photo de l’article : ©Axone

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