À la rencontre des sires de Coucy
Enguerrand III, le Bâtisseur du château de Coucy
Né en 1182, Enguerrand le Bâtisseur se fait remarquer à la bataille de Bouvines (1214) pour son courage. Durant la régence de Blanche de Castille, il lutte contre la Couronne pour préserver l’indépendance des seigneurs féodaux. C’est dans cette optique qu’il fait édifier le château de Coucy, comme un défi au pouvoir royal. Puissant et ambitieux, il y consacre une fortune considérable et gagne la réputation de plus puissant baron du royaume. En parallèle, il accorde plusieurs chartes communales aux villes relevant de son autorité, dont celle de Coucy en 1197. Il meurt en 1242 à Gercy, en se blessant avec sa propre épée lors d’une chute de cheval, laissant en héritage un domaine immense et une devise : « Roi ne suis, ne prince, ne duc, ne comte aussi, je suis le sire de Coucy ».
Enguerrand VII, le dernier seigneur
En 1346, le futur Enguerrand VII perd son père à la bataille de Crécy. Dix ans plus tard, c’est à son tour de prendre les armes contre les Anglais. Après la défaite de la bataille de Poitiers, il est envoyé à Londres, comme caution à la rançon du roi Jean II. Là, il se lie d’amitié avec Édouard III d’Angleterre, qui lui accorde la main de sa fille et lui rend la liberté. Par la suite, fin diplomate, il est envoyé en mission en Suisse, en Italie, ou encore en Écosse. Entre chaque voyage, il revient au château de Coucy, qu’il fait réaménager en palais gothique. Il meurt au combat en 1397 en Bithynie, dans l’actuelle Turquie. Trois ans plus tard, sa fille et héritière, Marie, vend la baronnie à Louis d’Orléans, fils du roi Charles le Sage.
Le Château de Coucy, une forteresse médiévale remarquable
Enguerrand III débute les travaux de la forteresse de Coucy vers 1220. La première des trois enceintes contenait le bourg. Par la Porte de Maître Odon, on accédait ensuite à la basse-cour, où se trouvait la chapelle castrale. Le château était entouré par la dernière enceinte, surmontée de quatre tours. Chacune s’élevait à près de 40 m de hauteur et atteignait les dimensions du donjon du Louvre, la résidence royale. Elles comportaient trois étages et étaient reliées entre elles par une courtine.
Le château était dominé par un donjon colossal, réputé pour être le plus haut de l’Occident médiéval. En effet, il mesurait 54 m de haut et 32 m de diamètre, pour une circonférence de 100 m. Quant à ses murs, ils faisaient plus de 7 m d’épaisseur. Entouré d’un fossé, il était accessible grâce à un pont-levis.
L’ensemble comptait environ 2 000 m de remparts et 33 tours, parmi lesquelles la tour de l’Avoine et la tour de l’Artillerie. Avec ses 14 hectares de superficie, c’est l’une des plus vastes forteresses du Moyen Âge !
À l’intérieur, se trouvait notamment la salle des Preux, couverte de lambris et ornée des statues de célèbres combattants, comme le roi Arthur, César, ou Alexandre le Grand. Le corps de logis, aussi désigné comme la salle des Preuses, a été réaménagé par Enguerrand VII au XIVe siècle. Avec ses deux étages d’appartements, ses fenêtres à croisées de pierre et son petit salon à voûte d’ogives, il constituait un somptueux palais de style gothique flamboyant.
Au fil de l’Histoire…
Si le château actuel date du XIIIe siècle, il existait déjà auparavant un édifice de ce type, mentionné pour la première fois en 920. Il s’agissait alors d’une motte castrale, c’est-à-dire de fortifications construites sur un remblai de terre. En 1050, Albéric, appelé aussi Aubry, s’en empare et fonde la dynastie des seigneurs de Coucy.
En 1400, le prince Louis d’Orléans devient le propriétaire du château. Cette nouvelle baronnie doit lui permettre de compléter la défense de son domaine, le duché de Valois. Il poursuit les travaux d’Enguerrand VI, faisant installer de splendides vitraux dans la salle des Preuses. Cependant, il est tué en 1407, lors de la guerre civile entre les Bourguignons et les Armagnacs. Le domaine reviendra ensuite à Louis XII, son petit-fils, qui le rattachera à la couronne en 1498.
Au cours de la Fronde, au XVIIe siècle, Coucy refuse de se soumettre à l’autorité du jeune Louis XIV. En représailles, le souverain ordonne le démantèlement du château en 1652. Laissé à l’abandon, l’édifice se dégrade considérablement, avant d’être vendu comme bien national à la Révolution et de servir de carrière de pierres.
Le château-fort suscite un regain d’intérêt au XIXe siècle, sous l’influence du Romantisme. Louis-Philippe, duc d’Orléans, le rachète en 1829 et le confie à l’architecte Malpièce. Finalement, en 1856, il devient la propriété de l’État, qui le classe Monument Historique six ans plus tard. L’architecte Eugène Viollet-le-Duc est chargé de la restauration des ruines. Il fait notamment poser une armature métallique autour du donjon afin de sécuriser son accès. À cette époque, ce monument est le troisième plus visité de France !
Redécouvrir le passé de Coucy
Désormais, les ruines de l’ancien château font l’objet de fouilles archéologiques. Des chantiers de restauration sont également menés par l’Association de Mise en Valeur du Château de Coucy (AMVCC), à l’origine du spectacle Son et Lumières « Coucy à la Merveille » depuis 1997.
En juillet 2018, les fouilles ont mis à jour les anciennes cuisines de Louis d’Orléans, dans la basse-cour du château. Construites à partir de 1402, elles témoignent du service culinaire de la noblesse au XVe siècle. Elles se composent d’une grande cuisine, avec cheminée et carré central, d’un dressoir, d’une saucisserie et d’un garde-manger, ainsi que d’un escalier, qui desservait le premier étage. Après cette découverte, enthousiasmante, nul doute que Coucy a encore bien des secrets à révéler.
27 mars 1917 : la destruction du château de Coucy
Proche des lignes du front, le château de Coucy est occupé par les troupes allemandes dès le début de la Première Guerre mondiale. Son donjon constitue effectivement un excellent poste d’observation. En 1917, les Allemands se replient derrière la ligne Hindenburg et détruisent l’édifice. Décision stratégique ? Symbolique ? Le 20 mars, 28 tonnes d’explosifs sont placées dans la tour maîtresse, ainsi que 10 tonnes dans chacune des tours d’angle. Au même moment, les tirs d’artillerie ravagent la ville.
Dynamitée de part et d’autre, la forteresse revient aux mains de l’armée française le 27 mars. D’avril à septembre 1918, le château est à nouveau investi par les Allemands, avant d’être repris par les Français le 5 septembre. De ces quatre années de conflit, resteront des dommages irréparables.