Skip to content

Corps à corps. Entre l’archéologue et le défunt, pour raconter le vivant

Article publié dans Axone n°12 – décembre 2022
Que nous disent aujourd’hui les ossements et les vestiges patiemment mis à jour par les archéologues ? C’est à cette question que le Service archéologique du département de l’Aisne a consacré l’exposition Corps à corps.

Le corps, objet historique

C’est un sujet aussi fascinant que tabou. Pourtant, la mort est fréquemment au cœur de fouilles archéologiques. En effet, les ossements humains fournissent d’importantes informations sur les caractéristiques d’un individu, mais aussi sur la société dans laquelle il évoluait.

Leur étude, appelée archéo-anthropologie, est une discipline spécifique et l’une des spécialités du Service archéologique de l’Aisne. Dans le cadre de l’exposition, celui-ci a réuni de nombreux vestiges, couvrant une période allant de la Préhistoire jusqu’au xxe siècle. Tous proviennent de sites du département, parmi lesquels Bruyères-et-Montbérault, Barenton-Bugny, Prémontré, Château-Thierry et Laon.

Quatre thématiques seront abordées :

  • le corps soigné, ou comment blessures, maladies et amputations étaient prises en charge ;
  • le corps en guerre, à travers fractures et traumatismes
  • le corps habillé, avec la présence, ou non, de vêtements et de parures ;
  • le corps nourri, ou ce que dents et os révèlent du régime alimentaire d’une personne.

La position et l’état des ossements sont aussi essentiels. Le corps est-il tourné vers une direction particulière ? S’agit-il d’une inhumation ou d’une crémation ? Tous ces éléments, minutieux, permettent de bien comprendre la signification contenue dans une tombe.

Prenons un exemple : en mai 2022, à Soissons, l’équipe archéologique a mis au jour une sépulture « d’urgence ». Trois corps y reposaient, semblant avoir été déposés ensemble à la hâte : des indices qui pourraient indiquer un contexte de guerre, ou d’épidémie !

Les rites funéraires, reflets du monde des vivants

Au-delà des squelettes, la présence d’objets est aussi cruciale pour comprendre comment vivaient nos ancêtres. Y a-t-il des céramiques, du mobilier, de la nourriture ? Ces éléments aident à mieux connaître l’organisation des sociétés anciennes, et notamment leurs croyances. Ainsi, les Grecs plaçaient autrefois une obole sous la langue des morts pour que ceux-ci puissent payer Charon, le passeur des Enfers. Qu’en est-il des monnaies retrouvées dans les tombes romaines et mérovingiennes ?

D’autres marques fournissent aussi des renseignements précieux sur le genre de l’individu se trouvant dans la tombe. Et là, attention aux idées reçues : un homme pouvait très bien être enterré avec des tissus précieux et des bijoux, et une femme, avec des épées et des boucliers !

Faire le lien entre ces traces matérielles et ce que révèle le corps humain permet de redonner à celui-ci une identité. Bien sûr, ici, il ne s’agit pas d’un nom ou d’une apparence physique, mais plutôt d’un statut social. Ainsi, à Beaurieux, près de Soissons, le monument funéraire d’un homme âgé, datant de 4 200 ans avant notre ère, comportait de grandes lames en silex, deux carquois avec des flèches, un coffre en bois et un vase en céramique. Il s’agissait donc vraisemblablement d’un personnage important, peut-être un guerrier ou un chasseur !

En parallèle de l’exposition, un cycle de conférences approfondira certains aspects de ces pratiques, avec notamment :

  • la recherche archéologique sur la sépulture située sous la plate-tombe de l’abbé Aubry de Braine de l’abbaye Saint-Médard de Soissons ;
  • le dernier costume dans les tombes de l’âge du Fer ;
  • la place du corps dans les pratiques funéraires à l’époque romaine ;
  • ou encore l’archéologie de la mort quotidienne sur le Front de Champagne.

Se mettre dans la peau d’un archéologue

Une grande partie de l’exposition Corps à corps* est consacrée à la parole de l’archéologue. Celui-ci tient une position particulière : après tout, pourquoi ouvrir et fouiller des tombeaux ? Cette interrogation, de nombreux professionnels la partagent. Certains font d’ailleurs le choix de ne pas participer à ce type de chantier pour des raisons d’éthique. Entre les vivants et les défunts, ces chercheurs font donc figure de trait d’union, alliant empathie, respect et démarche scientifique.

Car l’archéologie est bien une science, loin de l’image romantique d’aventuriers perdus au milieu des pyramides. Elle repose sur des faits concrets, répertoriés, qui peuvent ensuite donner lieu à des interprétations, ou à la formulation d’hypothèses. Avec Corps à corps, les visiteurs sont donc invités à découvrir des aspects de ce métier passionnant.

Conçue par le Service archéologique de l’Aisne, l’exposition Corps à corps est l’occasion d’aborder autrement, à travers les gestes des vivants, cette expérience universelle qu’est la mort. Elle permet aussi de découvrir des vestiges locaux, rappelant la richesse historique du département.

 

* L’exposition a eu lieu de 16 janvier au 14 avril 2023.
Cet article a été réalisé en partenariat avec le Conseil départemental de l’Aisne.

Retrouvez cet article dans Axone n°12 – décembre 2022
Photo de l’article : ©Service archéologique du Département de l’Aisne – Diagnostic archéologique – Boulevard Dumas à Soissons

Partager cet article sur :