Une abbaye rayonnante
La naissance d’un complexe monastique
L’abbaye de Saint-Jean-des-Vignes a été fondée en 1076 par Hugues le Blanc, seigneur de Château-Thierry. Elle est bâtie sur le mont Saint-Jean, situé au sud-ouest de Soissons, et doit son nom aux trente arpents de vignes que le roi Philippe Ier lui octroya en 1084. Des chanoines obéissant à la règle de Saint-Augustin s’y installèrent, ainsi que des frères lais, chargés des affaires séculières. Ces religieux pratiquaient notamment la médecine, s’aidant des plantes qui poussaient dans les jardins de l’abbaye. De nombreuses sculptures florales ornent d’ailleurs les murs de l’édifice.
Un trésor d’architecture gothique
En 1250, l’abbaye est restructurée par Raoul de Chézy. Elle est dotée d’une nouvelle église à trois vaisseaux et voûtes d’ogives, d’un réfectoire, d’un cloître et d’un cellier, le tout dans le style gothique. Les dons affluent, en particulier de la part des seigneurs locaux, mais aussi des rois de France et des évêques de Soissons. Après la guerre de Cent Ans, de nouveaux travaux sont entamés. C’est à cette époque que sont édifiées les deux tours de la façade, respectivement de 75 m et 80 m de haut. Avec leurs flèches ajourées et leurs décors sculptés, celles-ci sont parfaitement représentatives du gothique flamboyant qui se répand au xve siècle. L’abbaye Saint-Jean-des-Vignes est à son apogée : elle est désormais l’une des plus riches et des plus influentes de la région.
Déclin et renaissance
Tout comme ses consœurs, l’abbaye est saisie comme bien national à la Révolution. Les bâtiments sont démolis à partir de 1805, malgré les protestions de personnalités comme Victor Hugo. Seuls quelques bâtiments sont conservés pour être assignés à l’armée. La guerre de 1870, puis la Première Guerre mondiale, lui causeront des dommages irréparables – la rosace de la façade, par exemple, est intégralement détruite. L’abbaye est finalement classée au titre des Monuments historiques en 1875 et acquise par la ville de Soissons en 1970.
Aujourd’hui, ses vestiges abritent différentes structures culturelles et scientifiques, comme le Centre d’Interprétation de l’Architecture et du Patrimoine, au sein de l’ancien logis de l’abbé, le CEPMR (Centre d’Études des Peintures Murales Romaines) et le Centre archéologique de la Vallée de l’Aisne. Les lieux font également l’objet d’études archéologiques, notamment pour le projet MonArch (Monastic Archeology Projet), pilotées par des universités américaines.
D’abbaye à enceinte militaire
Soissons, ville fortifiée
Au xvie siècle, de nouvelles fortifications sont bâties au sud de la ville, englobant l’abbaye Saint-Jean-des-Vignes. En effet, Soissons occupe une position militaire stratégique et constitue un rempart pour Paris. Au cours de la Révolution, 20 000 soldats y sont déployés et chassent les occupants de l’abbaye. Cette dernière est ensuite transformée en dépôt de vivres et de matériels. L’occupation militaire se poursuivra tout au long du xixe siècle. En 1814, la ville subit deux sièges de la part des Russes et des Prusses. Les remparts sont ensuite restaurées et d’autres bâtiments voient le jour, dont l’Arsenal. L’enceinte militaire est finalement démantelée en 1885. De nouvelles perspectives urbaines sont élaborées, avec la création de grands boulevards.
Des bâtiments d’exception
L’Arsenal
Bâti au cours du xixe siècle, l’Arsenal arbore un style rationnel, alliant solidité et pragmatisme. Il était destiné au stockage du matériel militaire, raison pour laquelle son rez-de-chaussée est pourvu de larges accès. La ville de Soissons en est devenue propriétaire en 1994 et en a fait une annexe du musée de la ville. L’Arsenal est aujourd’hui un musée d’art contemporain et accueille des expositions temporaires, des concerts et des spectacles.
La Poudrière
La Poudrière est également un témoignage privilégié de l’occupation militaire de l’abbaye. Il s’agit d’une ancienne salle dans laquelle étaient emmagasinée la poudre à explosif, à deux pas de l’Arsenal. Un type d’endroit particulièrement dangereux, quand on sait que l’explosion d’une autre poudrière, près du bastion Saint-Rémy, avait causé de graves dommages en ville en 1815. En 2005, l’artiste plasticien George Rousse a investi les lieux pour y réaliser une œuvre éphémère sur le thème du feu.
L’abbaye Saint-Jean-des-Vignes est l’un des centres névralgiques de Soissons depuis près d’un millénaire. Dans les années à venir, la Ville souhaite l’intégrer pleinement à ses projets de développement économique, touristique et artistique, ajoutant ainsi une nouvelle page à son histoire.