Les dégâts de la tempête Egon
© Ville de Soissons
Dans la nuit du 12 au 13 janvier 2017, la tempête Egon a frappé le nord de la France. Des vents violents ont été enregistrés dans l’Aisne, placée en vigilance rouge. Chutes d’arbres, coupures d’électricité… Les dommages furent nombreux.
À Soissons, les vents atteignirent les 140 km/h. La rose occidentale de la cathédrale Saint-Gervais et Saint-Protais n’y a pas résisté. Brisée, elle a été emportée sur une large moitié. Son armature de pierre et les vitraux ont été projetés à l’intérieur de l’édifice. Dans leur chute, les pierres de plusieurs dizaines de kilos ont gravement abîmé une partie du grand orgue, situé derrière la façade ouest. Les photos de la catastrophe furent largement relayées par les médias.
Les services du patrimoine et de l’urbanisme, ainsi que des laboratoires spécialisés, ont réalisé des études sur les possibilités de réparation. Malheureusement, il s’est avéré que la rose était impossible à restaurer en l’état. Il a donc fallu envisager la reconstruction d’un remplage, la structure en pierre, en respectant la géométrie de la pièce d’origine. Quant aux vitraux, ils pouvaient être repris afin d’être replacés sur la nouvelle rose.
Une rénovation sous les yeux du public
Le musée d’Art et d’Histoire de Soissons a souhaité mettre en place une exposition autour de la restauration de la rose occidentale. En partenariat avec la Direction Régionale des Affaires Culturelles des Hauts-de-France, celle-ci a ouvert au public le 10 janvier 2020 et est prolongée jusque fin 2021, à l’abbaye Saint-Léger.
Les différents éléments de la rose avaient été posés sur le sol de la nef de l’abbaye. Intrigués, fascinés, les visiteurs pouvaient observer de près la remise en état de cet ouvrage par les professionnels des métiers d’art : tailleurs de pierre, sculpteurs, maîtres verriers, ferronniers… Sous cet angle de vue inédit, ce gigantesque puzzle laissait voir la finesse de ses détails et de ses couleurs. Pour comprendre la dynamique d’un tel chantier, des panneaux explicatifs revenaient sur ses différentes phases.
Originale, l’exposition « La Rose et la Tempête » a fait d’une catastrophe naturelle l’occasion de redécouvrir l’une des plus belles pièces architecturales de Soissons. Aviez-vous déjà vu une rosace d’aussi près ?
La rose en détails
© Ville de Soissons
La rose occidentale de Soissons mesure 9 mètres de diamètre. Elle se compose d’un remplage et d’un oculus central, entouré de deux cercles concentriques de médaillons circulaires. Les couleurs dominantes en sont le rouge, le bleu et le blanc, les détails étant soulignés par application de grisaille. En bordure, l’extrémité des rayons alterne avec seize jours en forme de trèfle.
L’oculus central représente Le Christ en Gloire. Dans chacun des médaillons, apparaît un prophète ou un apôtre. La partie décorative de la rose présente des croix et des étoiles, mais aussi des éléments géométriques, caractéristiques de l’Art déco. Ceux-ci datent des années 1930, lorsque les ateliers Gaudin, à Paris, avaient entrepris la création d’une nouvelle rose à partir des éléments sauvés après la Première Guerre mondiale.
L’histoire de la rose de Soissons
© Ville de Soissons
Débutée en 1176, la construction de la cathédrale Saint-Gervais et Saint-Protais s’est achevée vers 1250. Son architecture s’inscrit dans le style gothique classique. Si le transept date du XIIe siècle, la façade occidentale, elle, a été bâtie au XIIIe siècle. À la même époque, le roi Philippe-Auguste finança la verrière de l’abside représentant l’Arbre de Jessé. La tour nord n’ayant jamais été terminée, la façade est restée asymétrique. C’est sur celle-ci que la rosace sera installée vers le milieu du XIIIe siècle, sous un grand arc brisé.
Bon à savoir : retrouvez l’histoire de la cathédrale Saint-Gervais et Saint-Protais dans le tout premier numéro d’Axone.
Au cours de l’histoire, celle-ci fut abîmée plusieurs fois. Ainsi, le 13 octobre 1815, une poudrière explose accidentellement au bastion Saint-Rémi. Toutes les vitres de la ville sont soufflées ! Deux mois plus tard, une tempête balaie Soissons. La rose fait également partie des victimes du siège de la ville, en 1870. En morceaux, elle sera rénovée par plusieurs maîtres-verriers, dont Édouard Didron, qui réalisa certains des vitraux de Notre-Dame de Paris.
Lors de la Première Guerre mondiale, Soissons est lourdement bombardée. La cathédrale est détruite en grande partie. La rosace est réparée lors de la reconstruction de la ville. Cependant, le manque de budget oblige Émile Brunet, l’architecte, à limiter les frais de remise en état. Restée déformée, la Rose était déjà fragilisée lorsque survint la tempête Egon…
Unique en son genre, « La Rose et la Tempête » a permis de mettre en valeur le patrimoine de Soissons. À la suite de sa rénovation, une nouvelle enveloppe budgétaire a été accordée afin de restaurer la cathédrale. Les travaux pourraient commencer fin 2021.